Si on vous dit « métiers des concerts », la majorité d’entre vous pense immédiatement à « artiste », n’est-ce pas ? Pourtant, la liste est longue. De nombreux professionnels, aussi importants que l’artiste, s’affairent en coulisses pour que chaque concert soit une réussite : programmateur, tourneur, roadies, manager, chargé de production, personnel de sécurité… Autant de métiers peu connus du grand public, mais néanmoins indispensables au bon déroulé d’un concert, que nous avons décidé de vous faire découvrir plus en détails, en interviewant quelques professionnels de la musique live.
Pour notre première interview, nous avons interrogé Charlotte Lafon, chargée de communication pour les salles l'OPA Bastille et La Bellevilloise : l’occasion d’en connaître un peu plus sur son métier, son parcours, ce sur quoi elle travaille, et son point de vue sur la communication des concerts.
La Bellevilloise
Peux-tu te présenter ?
Charlotte Lafon, 35 ans, responsable de la communication, des relations médias et partenariats de La Bellevilloise et de l'OPA Bastille, directrice de la communication des Nuits Capitales (3ème édition en mars 2013) et en missions satellites pour diverses organisations, à citer la plus récente : Revolution Paris à l'Olympia le 14 juillet dernier pour Spirit of Star (organisateur de soirées à Paris). Je manage également un groupe indie-rock Wonderflu. Dans la vie, maman d'une petite fille de trois ans.
Peux-tu nous expliquer en quoi consiste ton travail, quelles sont tes missions à l’OPA et à la Bellevilloise ?
Elles sont fatalement différentes selon les structures :
À La Bellevilloise : je manage deux personnes : une assistante en plein temps qui s'occupe de l'actualisation du site, des relances des chargés de projets et de programmation, des tiers artistes et organisateurs pour réception de leurs packages promotionnels respectifs, établissement de l'agenda mensuel, suivi de la chaîne graphique des supports de communication et relations avec les publics, et un community manager qui gère l'animation des réseaux sociaux et le référencement web.
Pour ma part, je chapeaute les supports, leur charte, leurs contenus. J'établis notamment le chemin de fer du Journal de La Bellevilloise et rédige un certain nombre d'articles. J'assure aussi une veille sur nos vitrines web et concurrentielles, je traite les requêtes entrantes des médias, guides, celles qui relèvent des captations et prises de vues au sein de l'établissement, réfléchis au jour le jour aux stratégies de communication sur des résidences, des nouveaux rendez-vous, mais aussi sur le lieu proprement dit qui doit trouver son unité sur 5 espaces différenciés et en activités simultanées (café-restaurant, concerts, soirées, expositions, projections et autres événements...). Je monte également des plans de communication, assure des démarchages partenaires ponctuels, des adhésions et affiliations (Office de Tourisme de Paris, MAP, etc... ), supervise la diffusion de nos supports physiques, envoie des communiqués médias réguliers, argumente les événements à enjeux, mais aussi monte de A à Z des événements, essentiellement avec mes interlocuteurs privilégiés que sont les médias et certaines enseignes. J'entends tout cela dans un mi-temps.
À l'OPA : j'épaule les artistes bookés (pour la plupart artistes en développement) sur les méthodologies de communication, je fais un peu de référencement sur les webzines stratégiques, gère quasi-quotidiennement les réseaux sociaux (profil + fanpage + groupes concerts et clubbing + compte twitter), compile les éléments reçus des artistes et organisateurs pour en faire l'agenda source, envoie régulièrement des packages de disques des artistes bookés auprès de journalistes sensibles aux nouvelles valeurs des musiques actuelles, envoie des communiqués, traite les requêtes entrantes de guides, de médias, échafaude des opérations promotionnelles ponctuelles pour le rayonnement de l'établissement, mais aussi traite les demandes de privatisation jusqu'à établissement du devis.
l'OPA Bastille
Quelle a été ta formation pour faire ce métier ?
Je n'ai pas de formation spécifique. Je suis une autodidacte de la communication. J'ai trois licences en Lettres Modernes, Sciences du Langage et Français Langue Etrangère. J'ai ensuite fait mes armes en maison de disques, d'abord en tant qu'éditorialiste pour le site portail et pour des sites officiels d'artistes phares de l'enseigne, puis assistante marketing, et enfin chef de produits (artistes d'abord, et sur des compilations ensuite, quand mon label a été sacrifié sur l'autel de la fusion et de la crise qui commençait). Je suis ensuite partie en label indépendant en tant que label manager, puis j'ai rejoint le spectacle vivant à mon premier poste de chargée de communication au Plan de Ris Orangis pour poursuivre ensuite par Le Triptyque (aujourd'hui Social Club), Le Festival Tous Sur Le Pont à Blois aux côtés de Philippe Manoeuvre, A L'Affiche (ancien International), et pour enfin être parachutée en création de poste à La Bellevilloise et trouver un complément salvateur auprès de la gérante de l'OPA qui venait de se séparer de sa communicante.
Quelles sont les qualités indispensables pour être un(e) bon(ne) chargé(e) de communication d’une salle de concerts ?
Il faut un positivisme et une énergie à toute épreuve, une résistance au stress, une vraie passion pour son secteur, une curiosité pour les musiques actuelles dans toutes leurs expressions et un savoir parler (écrire va sans dire). Je dirais aussi l'intelligence de l'adaptation à un vaste éventail d'interlocuteurs, une théâtralité.
D’ailleurs, tu as toujours voulu travailler dans le milieu des concerts ? Ou tu voulais simplement travailler dans la communication et l’occasion s’est présentée de le faire pour une salle de concerts ?
Je voulais être prof de français à la base. La communication est un hasard de parcours mais quand j'étais en maison de disques on me disait que j'en avais le profil et... le lexique.
Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier, et qu’est-ce qui te plaît moins ?
Ce qui me plait ce sont les rencontres, charmer par les argumentaires, voir mes structures remplies et plébiscitées. J'aime aussi la négociation.
Ce qui me plait le moins c'est cette rengaine de la conception et de la fabrication des supports physiques dans des retroplannings utopiques et étranglés.
Tu travailles pour deux salles de concerts : as-tu quand même toujours le temps de sortir en concert pour ton propre et plaisir, et non pour le travail ?
Ça arrive mais je vous avouerais que je préfère aller dans mes rades de prédilection et rejoindre la tribu que je me suis choisie à Paris, en buvant un ballon de vin et en refaisant le monde avec une playlist forcément plaisante dans les baffles médiocres du taulier.
Quelles sont les meilleures soirées organisées à l’OPA et à la Bellevilloise ?
Difficile à dire. À l'OPA, il y a deux formats de soirées : les plateaux concerts et les soirées clubbing. Je vous avouerais que quand je fais un saut à l'OPA c'est plus pour l'organique et voir des artistes qui m'ont interpellée à la lecture de leur bio ou à l'écoute de quelques morceaux sur Soundcloud. J'y ai fait de très belles découvertes. Ce sont plus des organisateurs dont je vais faire l'éloge, pour leur capacité à se renouveler et à fédérer. Je citerais Cesko ou Prosper...
À La Bellevilloise, il y en a pour tous les goûts. Les soirées tziganes sont toujours truculentes, les Nuits Zébrées de Nova évidemment des plus qualitatives, je cautionne à 200 % Le cabaret des Filles de Joie de Juliette Dragon, la brocante fifties de Turky. Je n'ai manqué aucun Tea-Time en compagnie de Gilles Peterson... Et les Bals du dimanche sont des incontournables avec une nouvelle venue sous nos auspices depuis Juillet : La Baronne d'Paname et son amour du rockabilly. Seul hic : peu de rock, que notre voisine La Maroquinerie fait déjà très bien... Et vu que je le suis, difficile d'être personnellement en phase avec toute la programmation de l'établissement, plutôt black music, jazz et world.
Que penses-tu du système de concerts participatifs de Plemi : le concert n'a lieu que si un certain nombre de places est vendu ?
Je trouve ça intéressant, mais j'attends de le voir en pratique.
La communication d’un concert « sous réserve d’un certain nombre de places vendues » est-elle d’après toi différente de la manière de communiquer d’un concert habituel ?
C'est évidemment une remise en question de la communication anticipée mais maintenant que tout est possible sur le web et que je suis une partisane du viral... Je me dis que ça peut être impactant. Surtout quand les artistes s'en mêlent.
Merci beaucoup Charlotte !
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